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Communiqué de presse
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 24 MAI 2024
ACTIONS AVOCATS REPROUVE LA DEMANDE DU PROCUREUR DE LA CPI DE DÉLIVRANCE DE MANDATS D’ARRÊT A L’ENCONTRE DU PREMIER MINISTRE ET DU MINISTRE DE LA DÉFENSE ISRAÉLIENS ET APPELLE LE QUAI D’ORSAY A CONDAMNER CETTE DEMANDE
Le 20 mai 2024, le Procureur près la Cour Pénale Internationale (CPI), Karim Khan, a demandé à la Chambre préliminaire de la CPI de délivrer des mandats d’arrêt visant trois dirigeants du Hamas ainsi que le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens pour des faits qu’il qualifie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.
Le Quai d’Orsay, dans un communiqué du 21 mai 2024, a apporté son soutien à ces réquisitions en appelant à la « la lu%e contre l’impunité dans toutes les situa3ons » avant de reconnaître, lors des questions à l’Assemblée nationale, que « ces demandes simultanées de mandats d’arrêt ne doivent pas créer d’équivalence entre le Hamas et Israël ».
C’est pourtant l’effet, sinon l’objet, des requêtes du Procureur de la CPI qui, présentées de façon concomitante et articulées de façon symétrique, dans le creuset d’une démarche accusatoire commune, appellent à confondre, dans leurs intentions comme dans leurs actes, les auteurs d’exactions assumées et leurs victimes.
La décision du Procureur de la CPI est choquante en ce qu’elle place ainsi sur un pied d’égalité, d’une part, les dirigeants d’un régime terroriste agresseur et auteur accompli du pire pogrom antisémite depuis la seconde guerre mondiale, dont l’objectif délibéré et revendiqué, a été de tuer, violer, commettre des actes de barbarie et enlèvements à l’égard de la population civile israélienne, et d’autre part, les dirigeants d’une démocratie agressée sur son sol le 7 octobre, et quotidiennement depuis, contrainte de mener une guerre non souhaitée pour assurer la sécurité de ses citoyens et la libération d’otages civils encore détenus à Gaza. Comme si la culpabilité avérée de l’un devait trouver une compensation nécessaire dans la culpabilité présumée de l’autre.
Sans rien nier des souffrances tragiques subies par les populations civiles gazaouies et israéliennes, nous déplorons que les services d’instruction puissent contribuer, en particulier dans un contexte de tensions exacerbées des sociétés civiles, à entretenir un tel amalgame en occultant les différences fondamentales de nature et d’intention des protagonistes en cause, tout autant que l’extrême complexité d’un conflit asymétrique aux fronts multiples.
La temporalité et similarité des poursuites initiées par le Procureur de la CPI interpellent tout autant.
Le Procureur ne s’est pas empressé de demander un mandat d’arrêt à l’encontre des dirigeants du Hamas pour crime avéré mais s’est précipité pour avoir « des raisons raisonnables de penser » que l’armée étatique d’Israël commettait des crimes de guerre alors même que cette guerre à une configuration spécifique et inédite : des terroristes cachés dans des tunnels, des civils pris pour boucliers humains, des otages à préserver…
En effet, la délivrance de mandats d’arrêt contre les dignitaires du Hamas n’est requise que plusieurs mois après la plainte déposée par les familles des victimes du pogrom du 7 octobre, alors même que ce dernier a été, dès cette date et en temps réel, assumé, revendiqué et largement documenté par leurs auteurs et leurs commanditaires. Tout ceci laisse à penser que le Procureur a voulu mettre dos à dos des terroristes agresseurs et des dirigeants élus démocratiquement agressés pour parvenir à un « ex-aequo ».
Il revient à la Chambre préliminaire de la CPI de statuer sur les demandes du Procureur. Il reste néanmoins, au plan du droit, hautement préoccupant de constater que la demande de délivrance de mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens puisse conduire à méconnaitre le principe de complémentarité, ancré au cœur du statut de Rome, qui détermine le champ de compétence de la CPI en conciliant son mandat et la souveraineté des états. En vertu de ce principe, la CPI intervient lorsque les autorités judiciaires nationales sont dans l’incapacité ou n’ont pas la volonté de mener véritablement à bien les enquêtes ou les poursuites à l’encontre des responsables de crimes internationaux.
La démarche engagée remet ainsi en cause, sans tempérament, la capacité et l’intégrité de l’appareil judiciaire israélien pourtant largement éprouvées, comme l’illustrent les poursuites engagées par le passé et les condamnations prononcées par la justice Israélienne contre des hauts responsables politiques ou militaires.
Indépendamment des faits reprochés par le Procureur, cette mise en cause doit être dénoncée. Elle semble se démarquer, par sa radicalité, de la toute récente Politique Générale présentée en avril dernier par le bureau du Procureur qui prône la coopération et le partenariat avec les autorités nationales, « plutôt que de se considérer comme une instance suprême au sommet du mouvement en faveur de la justice pénale internationale ».
Si la paix est désirée par tous, sa perspective s’éloigne en présence d’une telle inversion des valeurs.
Pour ces raisons, Actions Avocats ne peut que déplorer ces réquisitions aux retentissements à la fois symboliques, politiques, dangereux et qui semblent relever davantage de la polémique que de l’analyse circonspecte de la règle de droit.
Le Quai d’Orsay ne peut se ranger derrière des beaux principes tels que « la lutte contre toute impunité ». Nous l’appelons à prendre position et condamner purement et simplement la décision du Procureur de la CPI.
Julia Kalfon
Avocat et Responsable de la Commission désinformation de AA
Johann Bouskila
Avocat et Responsable de la Commission Finance de AA
Déborah Journo
Avocat et Présidente de Actions Avocats
actionsavocats@gmail.com